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Saturday, 4 June 2016

Alain Prost : « Senna m'a dit que, d'une certaine manière, j'étais sa motivation première »


Ayrton Senna, juste avant de s'élancer au Grand Prix de Saint-Marin 1994, course qui lui sera fatale.

Pour Alain Prost comme pour des millions de téléspectateurs, comment oublier ce dimanche 1er mai 1994 ? Jour funeste où la formule 1 d'Ayrton Senna s'encastre, en Italie, lors du Grand Prix de Saint-Marin, contre l'un des murs du circuit d'Imola. Fraîchement retraité, Prost est sur les lieux du drame. Pour TF1, il commente en direct la course qui coûtera la vie à l'icône brésilienne. Un sportif dont il fut, encore quelques mois plus tôt, le plus grand rival.

>> Lire notre sélection d'archives (en édition abonnés) : Il y a vingt ans, la mort d'Ayrton Senna
Le Français ne participera pas, jeudi 1er mai, vingt ans plus tard, à la journée de commémoration organisée en Emilie-Romagne. « Je n'ai pas besoin de passer quelques jours à Imola pour me rappeler cet accident, explique-t-il au Monde.fr, aujourd'hui âgé de 59 ans. Le souvenir est là. Je ne peux pas ne pas m'en souvenir. De toute façon, il ne se passe pas une semaine sans que l'on ne me parle pas de Senna. » 

« SENNA ÉTAIT UN PEU MYSTIQUE, JE FAISAIS OFFICE D'ANTI-HÉROS »
De même qu'il y a eu Anquetil et Poulidor en cyclisme, il y a eu Prost et Senna en formule 1. A la fin des années 1980, sur les circuits, les deux pilotes se livrent une guerre acharnée qui marquera l'histoire du championnat du monde de formule 1. Plus âgé, Alain Prost conclut sa carrière en 1993 sur un quatrième et ultime titre de champion du monde, après ceux de 1985, 1986 et 1989.

Senna mourra brutalement une demi-saison plus tard, à l'âge de 34 ans, des suites de lésions au cerveau et d’une hémorragie. Avec un titre de champion du monde en moins (1988, 1990, 1991), mais couronné d'un prestige considérable : « Senna était un peu mystique, il avait un côté fascinant. C'était une sorte de héros. A l'inverse, moi je faisais office d'anti-héros. Quand on était ensemble en course, qu'on soit adversaires ou coéquipiers, je ressentais ça auprès du public. Mais ce n'était pas grave, je l'assumais tout à fait, et je le comprenais. »

La rivalité Prost-Senna culmine en 1988 et 1989, lorsque les deux pilotes se retrouvent dans la même écurie, chez McLaren. Senna s'adjuge le titre la première année, et Prost, la seconde. Mais ce dernier préférera rallier dès 1990 la prestigieuse Scuderia Ferrari, dont le siège se situe dans la même région que le circuit d'Imola.

Prost raconte : « Quand j'ai fini ma carrière, en 1993, Senna m'a dit, redit, expliqué que, d'une certaine manière, j'étais sa motivation première. Il voulait me battre. Quand il me l'a dit, j'ai pris ça comme un compliment. A partir du moment où j'ai arrêté de courir, on s'est beaucoup plus parlé que durant notre carrière. J'ai appris à l'apprécier humainement et à comprendre rétrospectivement son comportement face à moi. »

Ayrton Senna lors du Grand Prix du Japon, en 1989.
Ayrton Senna lors du Grand Prix du Japon, en 1989. © Paul-Henri Cahier / The Cahier Archive
A Imola, ce 1er mai 1994, le Grand Prix de Saint-Marin n'est que le troisième rendez-vous de la saison. Incapable de marquer le moindre point au Brésil et au Japon, Senna vit des débuts difficiles au sein de l'écurie Williams, lui qui vient de quitter Mc Laren. « Je ne l'avais jamais vu autant perturbé et préoccupé par la sécurité des pilotes en général, se souvient Alain Prost. Ça correspondait à son état d'esprit du moment. Il semblait bien différent de celui que j'avais connu quand je courais encore, six mois plus tôt. Quelqu'un de plus fragile, beaucoup moins serein. Avant, on avait l'impression que rien ne pouvait détruire Senna. Et puis là, d'un coup, on sentait qu'il était un peu moins bien. »

SENNA COMPTAIT RENDRE HOMMAGE À RATZENBERGER
En cas de victoire à Imola, Ayrton Senna aurait hissé un drapeau autrichien en hommage à Roland Ratzenberger. Egalement victime d’un accident mortel, la veille, lors des qualifications, ce pilote de 33 ans avait presque le même âge que lui quand il s'est tué, à 24 heures d'intervalle. Il effectuait seulement sa première saison sur le circuit, pour le compte de l'écurie Simtek.

Depuis ce week-end funèbre, plus aucun pilote de F1 n'a trouvé la mort en Grand Prix. « Avec les nouveaux éléments de sécurité comme le HANS [système pour protéger le cou et la tête], Ratzenberger ne serait sans doute pas mort, estime Prost. Et dans le cas d'Ayrton, il s'agit de malchance, car si une pièce de suspension n'avait pas pénétré son casque, la gravité de l'accident n'aurait pas été la même. »

Le 1er mai 1994 à Saint-Marin, après l'accident mortel d'Ayrton Senna.
Le 1er mai 1994 à Saint-Marin, après l'accident mortel d'Ayrton Senna. AFP/JEAN-LOUP GAUTREAU
Lorsque Senna heurte brutalement le mur du virage de Tamburello, à 14 h 17, Alain Prost s'apprête à vivre un moment de télévision d'« une lourdeur incroyable » : « Un nouveau départ de la course a été donné environ une heure plus tard. Pendant tout ce temps, on ne savait pas très bien. Des images passaient en boucle. On ne pouvait ni être optimiste ni être pessimiste. Parfois, des informations rassurantes nous parvenaient. Parfois, le contraire. »

Toujours est-il qu'à l'issue de l'accident, le spectacle continue. Le pilote qui remporte cette course tragique s'appelle Michael Schumacher. L'Allemand de 25 ans, future star de Ferrari, roule alors pour Benetton. Il décrochera en 1994 le premier de ses sept titres mondiaux. Record inégalé. Mieux que Senna (3), Prost (4), et même Juan Manuel Fangio (5). Ce coureur argentin des années 1950 représentait « un modèle pour Ayrton Senna », selon Paul-Henri Cahier, photographe qui l'a côtoyé pendant ses dix ans de carrière en F1, un parcours auréolé de 41 victoires en 161 Grands Prix.

Aujourd'hui, même si Prost, Fangio et Schumacher ont obtenu plus de sacres que lui, « Magic Senna » reste au moins considéré comme leur égal. Dans le magazine britannique Autosport, un sondage mené en 2009 auprès de 217 pilotes retraités ou en activité désigne même le Brésilien comme le plus grand pilote de tous les temps. « Chacun se fait sa propre opinion, répond Alain Prost. Oui, on peut porter un jugement sur une saison, mais de là à établir un classement définitif… En tout cas, Senna était un talent brut. Ce que je peux dire, c'est qu'il s'agit sûrement du meilleur coéquipier que j'aie jamais eu. »

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/sport/article/2014/05/01/alain-prost-senna-m-a-dit-que-d-une-certaine-maniere-j-etais-sa-motivation-premiere_4410337_3242.html#0chGhzsUrvoLFAHD.99

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